Article rédigé par Sandrine PIVET, art-thérapeute
Comment ça, je fais de la provocation ? Que nenni, c’est juste scientifique, ce sont les neurosciences qui le disent : l’art nous fait du bien, et ça se voit sur notre cerveau. L’art modèle notre cerveau et améliore sa plasticité cérébrale : que ce soit par la contemplation ou par la création, tout est bon pour notre ciboulot.
Des neurobiologistes ont, en effet, étudié le cerveau de volontaires contemplant des chefs d’œuvres. Leur cartographie cérébrale démontre que l’art stimule nos émotions intimes et profondes et titille la même partie du cerveau que lorsque nous tombons amoureux. Résultat ? Inondation de dopamine, l’hormone du plaisir. L’art déclenche une augmentation soudaine de cette substance chimique qui nous fait nous sentir bien.
Si la contemplation d’une œuvre d’art fonctionne comme une récompense, elle stimule aussi notre empathie. Pour Pierre Lemarquis[1], neurologue, lorsqu’une œuvre nous plaît, notre cerveau augmente la luminosité, le contraste et les couleurs pour en profiter pleinement. Nous activons alors nos neurones miroirs, neurones de l’empathie. Vous savez ceux qui nous font bâiller quand notre voisin se décroche la mâchoire … ils nous permettent aussi de percevoir, de reconnaître et de partager les émotions d’autrui. Ce n’est pas nouveau, me direz-vous : Aristote préconisait déjà, 300 ans avant J.C la représentation théâtrale afin de provoquer chez le public une purification des passions, un exorcisme des craintes qu’il nommait la «catharsis». Pas nouveau, certes, mais toujours efficace, ce petit nettoyage émotionnel : cinéma, concert, théâtre, musée … à chacun son style. J’avoue que chez moi, tout est bon, une chanson, un film … et me voilà en pleurs. Pleurer permet d’évacuer un trop plein d’émotions et de relâcher la pression. Cela permet de réguler le stress, l’angoisse ou la tristesse.
L’art participe donc à notre équilibre. Il est tellement bénéfique sur notre santé que des chercheurs de l’University College de Londres se sont intéressés à l’impact de visites culturelles sur notre mental : le cinéma, le théâtre ou le musée, plusieurs fois par an, réduirait de 32% le risque de souffrir de dépression en vieillissant, et de 48% pour ceux qui s’y rendraient au moins une fois par mois.[2] Et l’art ne serait pas essentiel ?
Bon, et tout ça, c’est « juste » l’impact positif de la contemplation de l’art sur notre cerveau, alors imaginez un peu l’engagement dans un processus créatif… Créer de l’art, sous n’importe quelle forme, revitalise le cerveau de différentes manières.
Comme l’exercice physique qui aide le corps, la pratique artistique pourrait nous aider à préserver nos capacités mentales. Car la dopamine libérée par la stimulation des circuits cérébraux du plaisir accroît aussi l’attention, l’éveil, la vitesse de traitement de l’information et la mémorisation.
Les neurosciences cognitives ont aussi démontré qu’une pratique répétée peut changer la manière dont le cerveau fonctionne, sa neuroplasticité fonctionnelle mais aussi sa neuroplasticité structurale, par un phénomène de neurogénèse : la création de nouveaux neurones tout au long de la vie[3].Si la pratique musicale est l’activité artistique la plus étudiée depuis le milieu des années 90, tous les arts sont aujourd’hui reconnus pour affecter positivement le cerveau. L’Art et son pouvoir naturel d’entraînement corporel qui nous mobilise ; l’Art et son pouvoir éducatif qui stimule et aiguise notre sensibilité, nos ressentis et nos émotions ; l’Art et son pouvoir relationnel qui nous offre un autre moyen d’expression de notre identité. L’acquisition de ces nouvelles compétences favorise le développement de nouvelles connexions neuronales. Par ricochet cela ouvre de nouveaux chemins possibles dans notre quotidien : on s’autorise un nouveau regard, un point de vue différent. La pratique artistique sollicite, donc stimule et développe nos capacités d’adaptation aux changements.
L’art peut être pratiqué individuellement ou collectivement. On profite alors de l’énergie et de la stimulation du groupe. C’est une bulle d’oxygène, un espace-temps unique, où protégé du monde extérieur, on oublie les tracas de la vie quotidienne, voire même les douleurs chroniques pour s’ancrer dans l’instant présent. La pratique d’une activité artistique favorise la sécrétion de certaines hormones comme la sérotonine antidépressive ou des endorphines réduisant la douleur et à effet euphorisant. On trouve d’ailleurs le temps et l’énergie dans des emplois du temps souvent chargés pour ces activités qui deviennent des régulateurs émotionnels naturels, des neuromodulateurs de notre humeur.
Et l’art-thérapie dans tout ça ?
L’art-thérapie se définit comme la valorisation du potentiel et des capacités préservées d’une personne en souffrance grâce à une pratique artistique. C’est un accompagnement qui s’appuie sur tous ces bienfaits naturels de l’Art dans un objectif thérapeutique. Qu’on soit confronté à un problème de santé physique, mental ou à une problématique sociale, l’art-thérapie utilise l’engagement dans activité artistique pour valoriser ce qui fonctionne chez le patient et utiliser ses ressources comme boucles de renforcement. En favorisant l’affirmation de son style, de son identité, on sollicite et restaure l’estime de soi favorisant ainsi la confiance en soi. Dépression, burn out, hypersensibilité, cancers, handicap, maladies chroniques, maladies dégénératives, deuil, harcèlement … autant d’expériences de vie qui impactent notre « saveur existentielle » (le plaisir de vivre l’instant présent) et pour lesquels l’évaluation en art-thérapie a révélé des bénéfices notables. Un pouvoir désormais reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé : l’art, pratiqué de manière active ou passive, dès le plus jeune âge et jusqu’à la fin de vie, est bénéfique pour la santé mentale et physique[4]. L’art-thérapie est donc manifestement une source d’équilibre officiellement valorisée et reconnue.
[1] Pierre Lemarquis, Portrait du cerveau en artiste, ed. Odile Jacob https://www.facebook.com/artetv/posts/10159061154658945
[2] Cultural engagement and incident depression in older adults: evidence from the English Longitudinal Study of Ageing » The British Journal of Psychiatry, april 2019 [3] (Baptiste Fauvel, Mathilde Groussard, Béatrice Desgranges et Hervé Platel, « Pratique musicale et plasticité cérébrale : l’expertise musicale permet-elle de se préserver du vieillissement neurocognitif ? », Neuropsychologie, n° 4, 2012, p. 131-137)
[4] https://www.euro.who.int/fr/media-centre/sections/press-releases/2019/can-you-dance-your-way-to-better-health-and-well-being-for-the-first-time,-who-studies-the-link-between-arts-and-health
Auteur
Sandrine PIVET, Art-thérapeute
06 24 35 20 96
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